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De l’apprentissage procédural de la programmation à l’intégration interdisciplinaire de la programmation créative

Nous discutons les différences entre l'apprentissage de la programmation de manière procédurale et décontextualisée du curriculum et la programmation créative interdisciplinaire.
Romero, M. (2016). De l’apprentissage procédural de la programmation à l’intégration interdisciplinaire de la programmation créative. Formation et profession, 24(1), 87-89.

De l’apprentissage procédural de la programmation à l’intégration interdisciplinaire de la programmation créative

L’introduction de l’apprentissage de la programmation à l’école est une tendance croissante dans les écoles primaires à l’échelle internationale. La programmation est considérée comme une littératie du 21e siècle qui permet de développer les stratégies de pensée informatique comme l’organisation logique, l’abstraction et la résolution de problèmes. Dans cette chronique, nous présentons l’état actuel des initiatives d’intégration de la programmation à l’école et, ensuite, nous soulignons les différences entre, d’un côté, l’apprentissage de la programmation de manière procédurale et décontextualisée du curriculum et, de l’autre côté, la programmation créative comme outil de modélisation de connaissances permettant un arrimage interdisciplinaire au curriculum. 
 

De l’alphabétisation numérique au développement de la pensée informatique

Les compétences TIC, la résolution collaborative de problèmes, la (co)créativité et la pensée critique sont quelques-unes des compétences nécessaires pour faire face à la complexité du 21e siècle (Griffin, McGaw et Care, 2012; Voogt et Roblin, 2012). Le concept de compétence TIC ou littératie numérique a évolué au cours des trois dernières décennies d’une approche centrée sur l’alphabétisation numérique à une approche centrée sur les approches socio-constructivistes, (méta)cognitives et cocréatives des usages des TIC (Azevedo, 2005; Katz, 2013; Romero, Hyvönen et Barberà, 2012). Il ne suffit plus de savoir faire des recherches d’information et de ressources (première étape de la compétence TIC en enseignement, UNESCO, 2011), mais il faut atteindre les niveaux d’approfondissement et de création de connaissances (étapes 2 et 3 de l’UNESCO) et développer la pensée informatique (Grover et Pea, 2013; Minichiello, 2014) comme une nouvelle littératie qui fait appel aux processus d’abstraction, d’automatisation et de résolution de problèmes (Qin, 2009; Wing, 2006). Un nombre croissant de pays introduisent des cours de programmation à l’école. En Europe, douze pays ont déjà intégré la programmation dans le curriculum, dont l’Estonie et le Royaume-Uni, et sept autres sont en voie de l’intégrer, comme la France et la Finlande. Aux États-Unis, l’initiative de l’heure du code (#hourofcode, #heureducode) connaît une popularité croissante. L’heure du code se définit comme « un mouvement mondial qui touche plusieurs dizaines de millions d’élèves dans plus de 180 pays » (Code.org, 2015). Le site hourofcode.com propose gratuitement des tutoriels d’environ une heure dans plus de 40 langues, basés principalement sur une approche d’apprentissage procédurale de la programmation par assemblage de blocs de programmation pas à pas qu’on peut comparer à la construction d’un casse-tête (puzzle-based). Au Québec, les initiatives liées à l’heure du code affichent un léger retard par rapport à d’autres provinces et pays (Romero, 2015). Cependant, il existe un nombre croissant d’enseignants innovants et de communautés de pratique (Équipe Squeaki du RÉCIT, Kids Code Jeunesse) qui travaillent activement à l’intégration de la programmation à l’école. 
 

De l’apprentissage de la programmation à la programmation créative

La programmation est un outil de modélisation de connaissances d’un grand potentiel créatif et (méta)cognitif. Cependant, comme tout outil technologique, il doit être intégré pédagogiquement en classe pour déployer son potentiel. L’apprentissage de la programmation per se, de manière procédurale (des recettes de code pas à pas comme https://studio.code.org/fappy/1) et décontextualisée du curriculum présente une plus-value pédagogique limitée. Ce type d’apprentissage de la programmation constitue parfois une amorce à la programmation créative comme activité de modélisation de connaissances arrimée au curriculum (Romero et Lambropoulos, 2015). La programmation créative engage l’apprenant dans le processus de conception et de développement d’une œuvre originale par le biais de la programmation. Dans cette approche, les apprenants sont invités à utiliser la programmation comme outil de co-construction de connaissances. Par exemple, ils peuvent (co)créer l’histoire de leur ville à un moment historique donné ou faire la transposition d’un conte traditionnel dans un outil de programmation visuelle comme Scratch (https://scratch.mit.edu/). Dans ce type d’activités, les apprenants doivent faire appel à des compétences et des connaissances en mathématique (mesure, géométrie et plan cartésien pour situer et déplacer leurs personnages, objets et décors), en science et technologie (univers du matériel, transformations…), en langue (schémas narratifs…) et en univers social (organisation dans le temps et l’espace des sociétés et des territoires). L’heure du code ne remplace pas l’heure du conte, mais elle offre une opportunité de développement interdisciplinaire. La programmation créative permet de développer la pensée informatique et d’accroître les compétences du 21e siècle, notamment la (co)créativité et la résolution de problèmes. Par ailleurs, dans les matières liées aux sciences, technologies, génie et mathématiques (STGM), il a été observé que des élèves en difficulté d’apprentissage étaient plus engagés quand ils participaient à des activités de programmation de jeux numériques et de robots (Yasar, Maliekal, Little et Jones, 2006). De plus, offrir l’opportunité de développer la pensée informatique à l’aide de la programmation constitue un enjeu capital pour réduire les iniquités entre filles et garçons face aux carrières scientifiques et technologiques. L’apprentissage de la programmation est un enjeu éducatif mais aussi socio-économique qui concerne la capacité des futures générations d’appréhender le monde du numérique comme citoyens actifs et créatifs. 


Apprentissages de la programmation VS Apprentissage par le biais de la programmation